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La querelle entre l’école des faits et l’école des effets les laisse indifférents.

Les mots d’idéaliste et de naturaliste arrivent à leurs oreilles sans y apporter aucune signification.

Elles désirent seulement que l’atelier soit bien chauffé, que le lunch soit chaud, car tous nos charmants artistes paient le lunch à leurs modèles.

Quant à ce qu’on leur demande de poser, elles ont la même indifférence.

Le lundi, elles endossent les haillons de la jeune pauvresse pour M. Pumper, dont les touchants tableaux de la vie moderne tirent tant de larmes au public, et le mardi elles posent en péplum pour M. Phœbus, qui est convaincu que tous les sujets vraiment artistiques sont nécessairement antérieurs à l’ère chrétienne.

Elles s’en vont gaîment, tête baissée, à travers tous les siècles, à travers tous les costumes, et comme les acteurs, elles ne sont intéressantes que quand elles ne sont pas elles-mêmes.

Elles ont tout à fait bon cœur. Elles sont très accommodantes.

— Que posez-vous ? dit un jeune artiste à une modèle qui lui avait envoyé sa carte.

Tous les modèles, disons-le en passant, ont des cartes et un petit sac noir.

— Oh ! Tout ce que voudrez, monsieur, dit la jeune personne. Le paysage, s’il le faut.

Il faut convenir qu’au point de vue intellectuel, elles sont des Philistins, mais physiquement elles sont parfaites, — du moins quelques-unes, le sont.