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On ne doit point tolérer qu’elle dégénère en pure rhétorique, en pure éloquence. Elle est, en un sens, celui de tous les arts qui possède la plus grande conscience de soi, en ce qu’elle n’est jamais un moyen pour atteindre une fin, et qu’elle est toujours sa propre fin.

Sir Edwin Arnold a un style très pittoresque, nous devrions peut-être dire, un style très pictural.

Il connaît l’Inde mieux que ne la connaît aucun Anglais vivant et sait l’hindoustani mieux que ne devrait le savoir un écrivain anglais.

Si ses descriptions manquent de distinction, elles ont du moins le mérite d’être vraies, et quand il n’entrelarde point ses pages d’une interminable série de mots exotiques, il est assez agréable.

Mais il n’est point poète. C’est tout simplement un écrivain poétique, voilà tout.

Néanmoins les écrivains poétiques ont leur utilité, et il y a dans le dernier volume de sir Edwin Arnold bien des choses qui récompenseront le lecteur. La scène du récit est placée dans une mosquée dépendant du monument appelé le Taj-Mahal, et un groupe composé d’un savant Mirza, de deux jeunes chanteuses avec leur serviteur, et d’un Anglais, est censé passer la nuit à lire le chapitre de Saadi sur l’Amour, et à s’entretenir sur ce sujet, avec accompagnement de musique et de danse. Bien entendu, l’Anglais n’est autre que sir Edwin Arnold lui-même :

      Epris de l’Inde
    trop épris d’elle, car son cœur y vivait
    alors même que ses pas erraient bien loin de là.