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Mais comme le temps injuste qui l’a couronnée des lauriers stériles de la renommée, les a entrelacés aux mornes pavots de l’oubli, laissons-là ce qui n’est qu’un souvenir et revenons à une poétesse dont le chant nous reste comme une gloire impérissable de notre littérature, à celle qui entendit du fond de la sombre mine et de l’usine encombrée, la plainte des enfants, et fit pleurer l’Angleterre sur ces petits, celle qui dans ses sonnets soi-disant portugais chanta le mystère spirituel de l’amour, et les dons intellectuels que l’amour apporte à l’âme ; celle qui eut foi dans tout ce qui était noble, qui eut de l’enthousiasme pour ce qui est grand, de la pitié pour tout ce qui souffre, celle qui écrivit : Vision de poètes, et les Fenêtres de la Casa Guidi, et Aurora Leigh.

Ainsi que l’a dit d’elle un homme, auquel je dois mon amour de la poésie, non moins que mon amour de la campagne,

    Aujourd’hui encore à nos oreilles,
    le clair « Excelsior » lancé par une lèvre de femme,
    arrive par dessus l’Apennin, bien que
    la face de cette femme gise pâlie, glacée par la mort,
    avec tous les grands morts dont Florence garde le marbre ;
    Car aussi longtemps que de nobles chants remueront
      les cœurs des hommes
    et rempliront le monde de leurs vibrations,
    en cercles s’élargissant toujours jusqu’à ce qu’ils parviennent
    jusqu’au trône de Dieu, et que le poème devienne prière,
    et que la prière apporte la vigueur libératrice
    qui communique aux nations la flamme des actions héroïques,