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verre cerné par le plomb, avec ses belles lignes noires, ou la mosaïque avec ses cubes de gemmes, ou le métier à tisser avec ses fils qui s’entrecroisent, ou le bois avec ses jolies torsades de fibres.

Nombre d’insuccès artistiques sont dus à ce qu’un art veut faire des emprunts à un autre.

Nous avons des sculpteurs qui prétendent faire de la peinture, des peintres qui visent aux effets scéniques, des tisseurs en quête de sujets de tableaux, des ornemanistes qui veulent faire de la Vie et non de l’Art, des imprimeurs sur coton qui « attachent des bouquets de fleurs artificielles avec des flots de ruban artificiel, » et jettent tout cela sur le tissu qui n’en peut mais.

Puis vint la petite tirade de socialisme, très raisonnable et présentée fort posément.

« Comment pouvons-nous avoir du bel art, alors que le travailleur est condamné à un labeur monotone et machinal au milieu d’un entourage morne, hideux, quand cités et Nature sont sacrifiées à la rapacité mercantile, quand le Bon Marché est le Dieu de l’existence ? »

Au temps jadis, l’ouvrier manuel était dessinateur.

Il avait des journées tranquilles d’étude en sa période d’apprentissage. Le peintre lui-même débutait par le broyage des couleurs.

Il survit encore un peu d’ornement ancien, çà et là, sur les rosettes de laiton des chevaux de trait, dans les seaux à lait à Anvers, dans les cruches à eau d’Italie. Mais cela même s’en va.