plutôt gênant, une demoiselle de quatorze ans dans un appartement où se réunissent des femmes qui ont tant de choses à se dire !
— Hélène, vous allez garder cette petite auprès de vous toujours ? demanda à Mme Lorentz sa meilleure amie, Mme Dilley, en braquant sur moi les verres mobiles de son face-à-main.
— Parfaitement, chère, je la garderai ici jusqu’à son mariage.
— Eh bien ! en voilà une responsabilité qu’il ne me plairait pas d’assumer ! Mais vous en reviendrez, croyez-moi. Vous en aurez vite assez et vous la mettrez en pension.
Ma tante était devenue rouge d’indignation à l’idée qu’on pouvait la supposer capable de se séparer de moi. Elle m’envoya au bout de la pièce, en m’intimant l’ordre d’y aller prendre la corbeille à biscuits sur un guéridon, mais, comme je m’éloignais, j’entendis Mme Dilley, impitoyable, qui poursuivait :
— Et vous la trouvez si jolie ? En vérité, moi pas : la bouche est trop grande, le front trop haut, le menton trop court. Il n’y a de bien que les yeux : ils ont un regard de candeur et de rêverie tout à fait particulier.
— C’est un Tanagra, vous dis-je, affirmait Mme Lorentz d’un petit ton vexé ; elle sera délicieuse à dix-huit ans.
Et je songeai : « Mon Dieu, que ma tante a pris un air méchant pour dire cela ! Faut-il qu’elle