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la patricienne

fois qu’il aura fait meilleure connaissance avec notre lac et notre bonne chaloupe.

— Au contraire, répliqua Jean, interrompant le flot de paroles de son élève ; je ne cesserai de te répéter qu’on ne saurait avoir trop de précautions avec des choses d’une nature si trompeuse.

Dougaldine, à ces mots, lui jeta un regard incertain, comme si elle se fût demandé ce qu’il entendait par là. Mais elle baissa rapidement les yeux, dès qu’elle s’aperçut que le visage du jeune homme était d’un calme imperturbable.

— Il fait réellement très sombre, dit-elle ensuite, et elle donna l’ordre à Juliette, qui était près d’elle, d’allumer enfin la lampe.

Puis, se tournant cette fois vers le docteur, elle lui adressa brusquement la parole :

— Je suis fort heureuse de voir que vous enseignez de si bons principes à Amédée. Il en a besoin, car ici, à Beau-Port, les occasions ne sont pas rares, et il est toujours sage de ne pas être trop téméraire.

Ce fut à présent au tour de Jean de réfléchir au dernier mot qu’elle venait de prononcer. Il ne s’y arrêta cependant pas longtemps, car il répondit :

— J’approuve votre avis, bien que je ne sois nullement peureux. Au surplus, ce lac est un des plus tranquilles de la Suisse. En parlant ainsi, j’avais seulement en vue le passage d’une barque dans une autre…

— Et vous aviez raison, riposta de nouveau la patricienne, tandis qu’un sourire équivoque planait sur ses lèvres.