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la patricienne

Cependant, si Dieu m’a réservé le bonheur inexprimable de conquérir l’amour de Dougaldine, qui est loin de m’être indifférente ; si j’ai la conviction sincère que je puis contribuer à la félicité de sa belle vie ; oui, alors, j’avouerai mes sentiments et j’aurai le courage de lutter pour elle et pour moi contre toutes les forces qui s’opposeront à notre union. Au contraire, si je me trompe, si je n’éveille chez elle qu’un intérêt passager, dont son orgueil aurait facilement raison, je n’hésiterai pas : je partirai, loin, bien loin, jusqu’à l’extrémité du monde… pour oublier… si l’oubli est possible !…

— Dougaldine ! Dougaldine ! voici le docteur Almeneur.

Ces mots, qu’on eût dit prononcés par l’esprit des eaux, résonnèrent tout à coup au-dessus de l’onde tranquille et tirèrent Jean de ses rêves d’avenir. Qui pouvait bien avoir parlé ? C’était, à ne pas s’y méprendre, du moins il le croyait, la voix de son élève. Mais, où était-il ?

À une assez grande distance, près du rivage où il allait bientôt aborder, il distingua la forme d’une petite chaloupe. L’exclamation venait sans doute de là. Et, vraiment, deux personnes sont dans l’embarcation, un garçon qui rame et une femme. L’enfant, malgré l’éloignement, a de suite reconnu son maître. Seulement le docteur est tout étonné de l’avoir entendu d’une manière si distincte. Il n’aurait, pour expliquer ce phénomène, qu’à se rappeler la vitesse du son sur les plaines liquides.

Jean se levait déjà pour saluer la barque, en agitant son chapeau, quand de nouvelles paroles arrivèrent jusqu’à lui :