Page:Widmann - La Patricienne, trad P César, 1889.djvu/88

Cette page a été validée par deux contributeurs.
86
la patricienne

d’Amédée, ainsi qu’il l’avait promis, partit enfin pour Thoune par l’un des trains de l’après-midi.

Lorsqu’il arriva dans cette ville, le jour tombait. C’était un soir de printemps, doux et chaud. D’un pas léger, une valise à la main, il descendit de wagon et s’avançant sur le bord du lac, il héla un batelier pour passer sur l’autre rivage.

Le paysage était admirable. Les jardins embaumaient et les hautes tourelles du château s’enlevaient vivement sur le fond vert des arbres fruitiers. Toute la féerie de cette belle contrée se développait, aux yeux enchantés du jeune homme dans un rayonnement de soleil couchant. C’était sa patrie !

Avait-il compté le temps qui s’était écoulé, depuis qu’il n’avait plus été là ! Il ne savait pas. Jadis, pendant les premières années de son séjour à Berne, l’époque des vacances le ramenait dans ses montagnes, à la hutte du vieil Almeneur, perchée à quelque six lieues du lac. Mais, voilà quatre ans qu’il ne l’a plus revu, son père. Il doit être cassé, usé par les rudes labeurs. Parfois, il lui a-envoyé de l’argent, un gros sacrifice pour Jean, car il gagne peu. À présent, sa situation s’est améliorée. Aussi retournera-t-il là-haut, dès qu’il en aura les loisirs.

Ces pensées, d’une teinte attristante, le firent songer ensuite à leur pauvreté et au combat incessant qu’il avait dû et devait toujours livrer pour s’assurer une existence plus heureuse. Et il rêva d’une position meilleure qui lui permettrait de vivre plus largement et de secourir son père. La place qu’on lui offrait, dans la République Argentine, était belle et sûre. Elle le tentait. Non pas qu’il l’ambitionnât pour l’argent qu’elle lui rapporterait. Non,