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Jean avait accepté, pour l’après-midi de ce jour, un rendez-vous avec un de ses amis d’études, Oscar Muller, de retour d’Amérique. Ce dernier avait occupé, durant plusieurs années, une chaire de professeur dans la République Argentine ; mais, tort peu robuste pour un tel climat, il venait d’obtenir son congé définitif et rentrait au pays, toutefois avec la mission spéciale de trouver un successeur. Le gouvernement qu’il avait servi ne pouvait guère mieux lui témoigner son estime et sa confiance. C’était un emploi largement rétribué. On avait laissé à M. Muller complète liberté dans le choix du nouveau titulaire. Connaissant les aptitudes de son ami et sa santé de fer, l’Américain avait aussitôt songé au docteur Almeneur. Et c’est bien de cette affaire qu’ils s’entretenaient en se promenant sur la terrasse du Bernerhof, d’où le regard embrasse le panorama grandiose que forme la chaîne oberlandaise.

— Ce sera difficile, continua Oscar Muller, qui achevait d’exposer à Jean les avantages qu’offrait cette place, sans en oublier les désagréments, ce sera difficile, je le comprends, de te décider à partir, surtout ici, en présence de ces monts neigeux, de ces collines verdoyantes qui semblent nous crier : Restez, restez dans votre patrie, où vous êtes né, où vous avez vos affections et vos amours. D’un autre côté, ce voyage et un séjour plus ou moins prolongé dans l’Amérique du Sud seraient pour toi, pour un jeune savant de ta force, un trésor d’inépuisables ressources. C’est un monde merveilleux. Nombreuses seront les expériences que tu feras. Et, avec cela, en occupant un poste honorable et lucratif.

Le docteur se taisait. Son regard erra au loin, sur