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se soumettre aux dispositions qu’avait prises son père. Cependant, au milieu de ce fouillis de pensées plus ou moins défavorables au précepteur, une toute petite voix chantait l’hymne de l’amour, le désir infini des aveux tremblants. Le cœur d’une jeune fille est chose décidément mystérieuse. Qui oserait se flatter de le connaître ? Dougaldine se croyait malheureuse d’être forcée de vivre sous le même toit que l’homme qui la préoccupait sans cesse ; elle se persuadait qu’il lui était maintenant impossible d’éviter cette nécessité désagréable ; et, pourtant, au fond d’elle-même, tout en vaquant aux préparatifs du départ, elle éprouvait une joie évidente, qui rayonnait sur son visage, comme si, cette année-là, le printemps lui eût apporté un bonheur inattendu. M. Fininger, à qui ce changement n’échappait pas, se réjouissait aussi de voir que l’idée seule d’un séjour à la campagne influait déjà si merveilleusement sur son enfant.

Au jour fixé, la famille partit dans un landau attelé de deux pur sang. De Berne à Thoune, la distance est de six lieues. Comme la villa était meublée, on se contentait, chaque fois, de prendre avec soi quelques coffres pour le linge et les habits. Un char les transportait à Beau-Port, et, à la fin de la saison, on venait de même les chercher. Jamais on ne faisait usage du chemin de fer.

Quatre personnes étaient dans la voiture aux armes des Fininger : Dougaldine et sa tante, le banquier et son fils. On avait offert une place au docteur Almeneur, mais il s’était excusé, prétextant quelques dernières affaires à mettre en ordre. Il arriverait seulement le soir.