Page:Widmann - La Patricienne, trad P César, 1889.djvu/84

Cette page a été validée par deux contributeurs.
82
la patricienne

doute, Dougaldine, à l’occasion, aurait tout sacrifié à ses principes, elle et les autres. Le docteur sentait et voyait tout cela, c’est pourquoi il se reprochait intérieurement de donner tête baissée dans cette passion malheureuse. Mais il était déjà trop tard.

S’il avait encore été possible, Dougaldine se serait opposée à cet arrangement, d’autant plus que depuis leur soirée elle avait deviné le murmure troublant de son cœur. Mais quelle raison aurait-elle avancée ? Voulait-elle dire à son père qu’elle craignait la présence du docteur ? Non, jamais un tel aveu, qu’elle pouvait bien se faire dans le mystère de la nuit, ne monterait jusqu’à ses lèvres ! En outre, de quel droit priverait-elle son frère des leçons d’un maître écouté, auquel sa jeune intelligence semblait s’abandonner avec tant de confiance ? Non, Amédée ne devait pas souffrir de la faiblesse de sa sœur. Il n’y avait donc plus qu’un moyen : être forte et s’armer pour la lutte.

— Qui sait même ? fit-elle tout à coup. Grâce à nos rapports journaliers, je découvrirai peut-être dans son caractère ou dans ses habitudes quelque chose qui me déplaira et étouffera au-dedans de moi le commencement de sympathie que j’ai pour lui.

Et il lui sembla que l’auréole idéale dont elle entourait la mâle physionomie de Jean s’assombrissait déjà.

Hélas ! Dougaldine avait caressé le même espoir lorsqu’ils avaient invité le docteur à souper, mais le contraire de ce qu’elle avait espéré, était arrivé. En serait-il de même cette fois ? Et n’était-ce pas courir au-devant du danger que de renouveler la tentative ?

Elle n’était plus maîtresse de la situation. Il fallait