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tions que le banquier leur adressait. Dougaldine déployait tant de grâces et les caves de Beau-Port étaient si bien garnies ! Aucun, pourtant, n’avait encore tenté la conquête de la jeune fille. Les uns redoutaient le sourire, nuancé d’ironie, qui se jouait dans les coins de cette jolie petite bouche : il signifiait clairement qu’elle se jugeait supérieure à tous ces fils de Mars, avec lesquels elle daignait causer, et personne, parmi eux, n’eût osé soutenir le contraire. Les autres ne songeaient pas au mariage. Ils étaient de cette race d’hommes qui, aussi longtemps que les cheveux ne s’argentent pas aux tempes, se refusent obstinément à goûter les joies paisibles de la vie à deux. Un séjour d’une année, soit à Paris, soit à Londres, ou un grand voyage, ou bien encore un congé dans une armée étrangère, leur en disait davantage. Au surplus, dans ce monde, il faut avoir vécu pour s’établir. Ils bornaient donc leur cour à quelques propos galants, et Dougaldine conservait avec tous, cousins ou amis d’un jour, l’humeur gaie de la jeune fille heureuse, estimant à sa juste valeur cette flirtation sans aucune portée. Quand la société quittait la villa, Mlle Fininger était toute contente, ainsi que sa tante, de retrouver leur vie tranquille, un moment troublée par la présence de ces invités.

Cette fois, il devait en être autrement. Pendant qu’Amédée fréquentait encore les écoles publiques, il ne passait qu’une partie de l’été à Beau-Port. À présent qu’il avait un précepteur, la famille entière allait s’installer dans cette spacieuse demeure pour toute la durée de la belle saison. Jean avait bien murmuré quelques objections, mais sans succès.

— Pourquoi n’iriez-vous pas avec ? lui avait dit M.