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LA PATRICIENNE



V


On était à la fin du mois d’avril. Un gai soleil éparpillait ses rayons d’or sur la terre qui fermentait. Déjà on apercevait les vertes feuilles des hêtres et, dans les jardins, le lilas épanouissait en grappes violettes ses fleurettes parfumées. L’air était frais et pur ; tout au fond de l’horizon, s’appuyant au ciel d’un azur pâle, les Alpes géantes commençaient à secouer leur épais manteau de neige, d’une blancheur éclatante.

Chaque année, à cette saison, la famille Fininger quittait Berne pour aller habiter les bords du lac de Thoune, dans leur charmante propriété de Beau-Port. On s’y rendait ordinairement aux premiers jours de mai. M. Fininger, qui appréciait l’influence d’un long séjour à la campagne sur la santé de ses enfants, en avait ainsi décidé depuis longtemps. Lui-même, retenu en ville par ses nombreuses occupations, ne rejoignait les siens que le samedi. Il restait à sa villa toute la journée du dimanche et parfois jusqu’au lundi soir. Cette demeure lui plaisait infiniment ; aussi l’avait-il meublée avec goût et non sans un certain luxe.

Dougaldine, seule avec son frère, aurait mené une existence trop solitaire. Heureusement une tante, la sœurdeson père, l’accompagnait tous les ans à Beau-