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LA PATRICIENNE

— Que diable ! monsieur, noblesse oblige ! Vous me concéderez bien qu’il est de notre devoir de garder intacts les noms que nous ont transmis nos ancêtres.

— À la rigueur, répliqua Jean, je comprendrais encore le culte de cette tradition dans le sein de la famille, mais sans qu’il en parût rien au dehors. Oui, même je verrais avec satisfaction que chaque famille conservât le souvenir de ses aïeux. Je ne voudrais pas vous conseiller d’imiter les Chinois en toutes choses. Mais la piété dont ils entourent la mémoire de leurs pères exerce une grande influence sur l’état moral de ce peuple. Quant à nous autres démocrates, messieurs, nous avons encore beaucoup à apprendre chez vous.

Cette dernière phrase, flatteuse comme une caresse, mit tout le monde à l’aise, sauf Max de Rosenwelt qui avait évidemment attendu une autre fin de ce débat. Aussi fit-il de nouveau, en guise de réflexion :

— Ces idées sont peut-être à leur place dans ce pays, que je ne connais qu’imparfaitement. Mais, je vous le demande un peu : que deviendraient les nobles si, en Prusse, nous n’avions pas un État militaire où ils occupent toujours les premiers postes ? Heureusement, les choses resteront encore longtemps comme elles sont.

— Là-dessus, il y aurait beaucoup à dire, répliqua Jean, presque irrité par les observations de plus en plus insidieuses de l’étranger qu’il commençait aussi à détester réellement. Si les nobles de la Prusse, monsieur, ont appris quelque chose, toutes les portes, toutes les carrières leur sont ouvertes, même