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LA PATRICIENNE

— Il en est tout autrement dans les pays où, comme en Suisse, les idées de la Révolution française sont devenues les bases de l’organisation politique. Vous savez, en effet, aussi bien que moi, que chez nous les privilèges de la noblesse sont éteints. Mais, ce n’est pas tout. Comme elle a voulu, en s’inspirant du passé, résister quand même au courant social qui entraîne les peuples vers l’avenir, et se renfermer dans une caste à part, il en est résulté que son nom, loin de lui être utile, est à présent un obstacle sérieux qui, parfois, s’oppose à son entrée aux affaires de l’État. Personnellement je le regrette, car, de cette façon, une partie des forces vives de la nation se trouvent perdues ou s’épuisent dans une lutte sans heureuse issue pour elles. À Berne, le cas est encore plus frappant qu’ailleurs. Dans les autres villes, les descendants des anciens nobles se sont rapidement décidés à supprimer la particule, s’apercevant avec raison qu’elle effrayait les électeurs et froissait les instincts égalitaires de notre peuple. Ici, on n’a pas jugé opportun de le faire et, pourtant, je ne crois rien dire de blessant si j’ajoute que ce petit mot, « de », signifiera bientôt que tous ceux qui le portent sont exclus par le fait même des charges publiques. Vous n’ignorez pas ce qui se prépare dans notre ville.

M. Fininger, d’un signe de tête, approuva ces paroles. Il y avait longtemps que lui-même, ainsi qu’il a été dit plus haut, oubliait volontairement la particule.

Mais le vieux colonel, le voisin de Dougaldine, dont l’estomac s’était insensiblement calmé, s’écria d’une voix asthmatique :