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LA PATRICIENNE

à Dougaldine, elle lui envoya un regard presque attendri.

— Mais voici d’autres temps qui arrivent, reprit Jean, non pas encore pour tous les peuples, ce qu’il importe de faire observer. Les grands États monarchiques, et en particulier la Prusse — oui, oui, ce dernier, plutôt que la Russie, est l’idéal de la noblesse, — ces grands États ont conservé cette classe privilégiée, bien que l’esprit de la Révolution française ait pénétré jusqu’au cœur des masses populaires. Elle est même devenue chez eux la colonne principale qui soutient le trône et l’armée. Si j’avais l’honneur, par devoir et par principe, d’être membre de l’un de ces gouvernements, je laisserais les nobles dans tous leurs droits, selon la mesure du possible, à la seule fin de protéger l’État militairement organisé ; et cela d’autant plus volontiers que la noblesse prussienne, quoique de mœurs souvent grossières, s’est acquis à travers les siècles, par quelques-unes de ses nombreuses familles, des droits sacrés à la reconnaissance de la royauté. Je n’en fais un secret pour personne, mais je souhaite la fin de toutes les vieilles monarchies en Europe, parce que mon idéal social est la négation des institutions sur lesquelles elles reposent. Je sais aussi respecter un noble adversaire, même les derniers chevaliers que la Prusse nous montre dans ses hobereaux, bien que, avant de leur accorder à tous mon estime et ma confiance, j’aime assez à les regarder de très près.

À ces mots, Max de Rosenwelt ne put réprimer un léger mouvement nerveux. Cependant, il se tut et le docteur continua :