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LA PATRICIENNE

personnes présentes sans renier les siens ? Le problème ne manquait pas d’intérêt. Il excitait l’attention.

Jean, après une seconde de réflexion, regarda fixement son interlocuteur, dont l’accent avait trahi l’étranger, puis, sans aucune hésitation dans la voix, il répondit :

— Ce n’est vraisemblablement pas pour savoir ce que je pense de la noblesse que vous m’adressez la parole, monsieur, mais, plutôt pour connaître l’idée que l’on s’en lait dans notre pays.

— L’un et l’autre ! répliqua de Rosenwelt. Vous vous êtes déclaré avec tant de netteté l’enfant du peuple que votre jugement ne m’est pas indifférent.

— Il me semble que nous sommes tous les enfants de quelqu’un, riposta le docteur, en souriant finement. Ce serait vraiment regrettable qu’une classe entière se séparât du peuple et renonçât au droit de diriger aussi les affaires de l’État.

— Soit ! Mais vous n’ignorez pas ce que j’entends par ce mot : le peuple, fit négligemment l’étranger, non sans laisser paraître une certaine irritation.

— Je le sais, en effet, dit Jean, inébranlable, oui, je ne le sais que trop. Néanmoins, permettez-moi de ne pas partager votre manière de voir.

— Vous ne voulez pas répondre à ma question, reprit avec plus d’opiniâtreté Max de Rosenwelt, qui sentait s’accroître en lui l’aversion qu’il avait, dès le premier regard, éprouvé pour le jeune savant, dont la présence, en une telle société, l’étonnait beaucoup. Vous devriez bien nous dire, en votre qualité de démocrate, car vous en êtes un, puisque vous