Page:Widmann - La Patricienne, trad P César, 1889.djvu/68

Cette page a été validée par deux contributeurs.
66
LA PATRICIENNE

physiques qui le distinguaient. Mais elle sut imposer silence à cette aversion naissante et fut très aimable avec Max de Rosenwelt. D’ailleurs, ce n’était que son devoir de maîtresse de maison. Elle ne paraissait même pas se souvenir de la présence du docteur. Il est vrai qu’elle n’en eut d’abord pas le temps, car, bientôt après, on annonça que le souper était servi. Les invités passèrent dans la salle à manger.

M. Fininger et Dougaldine avaient leurs places aux deux extrémités de la longue table, l’un en face de l’autre. Max de Rosenwelt était à la droite de la sœur d’Amédée ; à sa gauche, elle avait un vieux colonel. Le docteur Almeneur était à côté de M. Fininger. C’est ainsi que l’avait voulu la jeune fille.

Le colonel, qu’embarrassait déjà un commencement d’asthme, était un aimable convive, mais il ne se dégelait réellement qu’après les repas. Dougaldine l’avait placé près d’elle, parce que son rang et son âge lui assignaient cet honneur. Elle ne pouvait donc guère compter sur son voisin de gauche pour la distraire.

Quant à l’étranger, il ne tenait pas ce que son entrée promettait. Ayant, dès le début, épuisé ses flatteries et ses compliments ; ne connaissant encore que fort peu de monde en ville, il lui fut impossible, malgré les efforts de Dougaldine, de soutenir longtemps la conversation, soit qu’il n’eût plus rien à dire de son pays, soit qu’un intérêt personnel lui conseillât de taire ce qui le concernait.

Dougaldine aurait cependant réussi à répandre quelque animation autour d’elle si, de l’autre extrémité de la table, une belle voix de ténor n’avait pas continuellement résonné à ses oreilles. C’était le