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LA PATRICIENNE

tenue de Jean était irréprochable. Il s’inclina devant elle peut-être avec moins de souplesse que les autres messieurs ; on voyait bien qu’il n’avait pas appris de bonne heure à ployer l’échine. En tout cas, son entrée ne prêtait à aucun reproche. Il les remercia, en quelques mots, son père et elle, de ce qu’on avait eu la bonté de songer à lui ; puis, la présentation fuite, il avait aussitôt accepté le bras du professeur Grégor, avec lequel il entama un entretien discret, pendant que les invités se formaient en groupes, en attendant le souper.

Cependant, Max de Rosenwelt, que M. Fininger avait présenté sous ce nom, s’était emparé de Dougaldine et avait engagé une conversation avec elle. D’une taille forte, d’une beauté mâle, presque brutale, telle enfin qu’on la rencontre dans le corps des officiers d’une armée permanente, quand on le regardait on pensait involontairement au cheval fougueux sur lequel il devait parader. Il existe toujours de ces individus-là, dans la société contemporaine. Sa moustache, audacieusement relevée, donnait à sa physionomie un air martial, tout militaire, et rappelait à plusieurs le schah de Perse qu’on avait vu quelques années avant, lors de son voyage à travers l’Europe. Ses yeux noirs et son nez en bec d’aigle achevaient cette comparaison et enorgueillissaient encore l’expression de son visage qui, sans doute, s’adoucissait extrêmement, tandis qu’il causait avec Dougaldine et commençait, avec une habileté de roué, à lui faire une cour en règle.

Dès les premiers mots, la jeune patricienne ne put étouffer un vif sentiment de répulsion pour l’étranger, bien qu’elle reconnût parfaitement les qualités