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LA PATRICIENNE

dément on commençait à l’apprécier. Ah ! si on lui eût dit alors qu’il devait cette marque d’estime, comme il la jugeait, seulement au hasard de ce nombre 13 et au caprice de son élève, quel écroulement c’eût été pour son rêve inavoué ! Et combien plus cruelle encore sa peine, si l’on était venu lui annoncer que Dougaldine ne le souffrait chez eux, ce soir-là, que dans la pensée qu’il ferait triste figure au milieu de leurs nobles botes !

Est-ce que vraiment la fière patricienne caressait un aussi noir espoir dans sa jolie tête blonde ? Elle le croyait, du moins. Toutefois, nous sommes bien en droit d’en douter à la vue de l’excitation que lui cause ce souper, qui ne l’eût pas autrement intéressée sans la présence du docteur. Pendant qu’elle dirige et surveille les préparatifs, sans le vouloir elle se pose souvent ces deux questions : Que dira-t-il ? comment s’en tirera-t-il dans notre monde qui lui est étranger ? Ah ! ces questions, qu’elle se faisait ainsi, Dougaldine les mettait sur le compte d’une réelle antipathie ; mais, vraiment, elles avaient plutôt l’air d’exprimer l’inquiétude que la jeune fille éprouvait à l’idée que Jean pourrait se montrer inférieur en savoir-vivre aux autres convives.

À l’heure indiquée, les invités se présentèrent et furent reçus au salon par M. Fininger et sa fille avec cette exquise politesse qui était un attribut de la famille. Pour la plupart, c’étaient des messieurs déjà âgés, des veufs et des célibataires ; seuls, Max de Rosenwelt et le docteur Almeneur auraient osé revendiquer les avantages de la jeunesse.

Le premier regard de Dougaldine fut pour celui qui l’avait tant préoccupée durant les derniers jours. La