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LA PATRICIENNE

Dougaldine et ses amies s’entretenaient naturellement de ces faits, mais sans méchanceté aucune. La suave douceur des pâtisseries excluait tout fiel de leurs lèvres. Elles ne songeaient même pas, dans leur innocente naïveté, que le nombre des jeunes gens sur lesquels elles pouvaient compter, comme fiancés et maris, déjà si réduit, devenait encore plus petit de jour en jour par de telles mésalliances. Les riches héritières, à dix-sept, dix-huit, voire même à dix-neuf ans, ne connaissent pas ces sortes de frayeurs ; le sang coule si chaud et si vit dans leurs veines qu’elles n’ont aucun doute sur l’avenir brillant qui les attend.

Elles furent donc d’autant plus étonnées d’entendre Dougaldine qualifier ces nouvelles de ridicules et d’exécrables. La sœur d’Amédée avait mis dans ses paroles une certaine amertume.

— Que veux-tu ? riposta Gisèle, en rejetant, avec un mouvement de duchesse, sa tête de blonde capricieuse en arrière. Que veux-tu, ma chère Dougaldine ? Est-ce qu’on n’a pas vu, de tout temps, des hommes très haut placés, même des princes et des rois, faire des mésalliances ? De tels événements ont cela de bon qu’ils jettent tous les esprits en l’air, ce qui plaide bien un peu, tu l’avoueras aussi, en faveur de notre classe, puisque, aux yeux de tout le monde, on l’envisage comme quelque chose de supérieur, de très élevé. Autrement, on ne s’en occuperait pas tant.

— Je répète encore que je trouve exécrable un semblable oubli de ses devoirs, fit derechef Dougaldine, se servant du même terme et ignorant la cause de son irritation. Comment, ajouta-t-elle aus-