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LA PATRICIENNE

La salon se remplit d’une jolie société de visages frais et roses.

On ne pourrait rien imaginer de plus gracieux que ces belles jeunes filles babillant entre elles ainsi que des oiseaux. Dans ce monde-là, la beauté, chez la femme, n’est pas chose rare. Les parents vivent dans les plus favorables conditions pour avoir de superbes enfants. Toutes ces familles, en outre, passent l’été dans leurs splendides maisons de campagne et ne rentrent à Berne qu’à la fin de l’automne. Naturellement, en menant une telle existence, mi-bourgeoise et mi-campagnarde, le noble seigneur n’a pas l’occasion d’éparpiller ses forces aux quatre vents des cieux. Il ne s’est pas ruiné la santé du corps, et on ose hardiment en conclure que les joues rosées de ces jeunes filles dénotaient la vie sobre et réglée de leurs ancêtres. De plus, le mélange des races gauloise et germaine, grâce à de nombreux mariages, avait produit à travers les générations un type de figure plus fin et plus beau. Et si l’on ajoute que ces demoiselles ignoraient les soucis et les misères, que leur jeunesse s’écoulait paisiblement, sans que l’étude de quelques arts en pût assombrir le cours, on se représentera aisément le groupe charmant que devait former une douzaine de ces filles d’Ève, rassemblées autour d’une table couverte de café odorant et de gâteaux savoureux. C’était comme un coin de paradis.

Dans leurs conversations, toutefois, elles ne s’occupaient pas que des choses du ciel. Loin de là. Elles restaient même très volontiers sur la terre. Ce n’était pas dans leur tempérament de monter aux régions de l’idéal. Les amies de Dougaldine lais-