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LA PATRICIENNE

non la voix de son frère, mais bien celle de Jean, une voix qui ne l’avait déjà que trop contredite. Oui, même dans les opinions personnelles qu’émettait l’élève, elle s’imaginait découvrir la marque de cet homme qui venait brusquement d’éveiller au fond d’elle-même tout un monde de choses troublantes, Et moins elle se rendait compte de ses sentiments plus elle était épeurée en constatant qu’elle tremblait, dès que son frère, d’une question indifférente, ramenait l’entretien sur le docteur.

Quoique douée d’un esprit extraordinairement clair et net, la jeune patricienne ne voulait pas s’expliquer la nature de ce qui l’agitait. Elle attribua ce trouble intérieur à sa tendresse fraternelle qui s’effarouchait de l’influence qu’un étranger avait prise tout à coup sur Amédée, lequel avait toujours été pour ainsi dire sous sa direction exclusive. À partir de cette heure, chaque fois que l’on prononçait seulement le nom de Jean Almeneur, elle raisonna ainsi l’émotion qui s’emparait d’elle, et bientôt, à cause du chagrin qu’elle disait ressentir en se voyant reléguée au second plan dans les affections de son frère, il lui sembla éprouver comme une sorte de haine pour le précepteur.

Mais elle devait faire une autre expérience de même nature, plus surprenante encore. Tous les huit jours, ses amies et elle s’invitaient à tour de rôle pour prendre en commun une tasse de café, assaisonnée de friandises et de gais propos.

Cette fois, c’était Dougaldine qui recevait. Déjà vers deux heures de l’après-midi, toutes ces demoiselles, de noble race, arrivèrent chez M. Fininger, qui à pied, qui dans les élégants cabs de leurs pères.