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LA PATRICIENNE

études. La chaleur avec laquelle il parlait de ces choses, était bien la meilleure preuve des progrès qu’il faisait. Ce n’était pas une agglomération de connaissances futiles, jetées pêle-mêle dans sa tête, mais un développement intime et réel de son intelligence : la jeune plante poussait chaque jour de nouvelles feuilles et prospérait à vue d’œil.

Ces explosions d’enthousiasme juvénile exerçaient une tout autre influence sur Dougaldine.

Dès le premier moment où Jean Almeneur était entré dans son existence, c’est-à-dire dès le soir du bal, elle avait été forcée, en dépit d’elle-même, de le remarquer, ou, si l’on préfère, le docteur, par sa seule personnalité, avait excité en elle un vague intérêt. Cependant, cette impression se serait à coup sûr rapidement effacée, si, deux jours après, elle ne l’avait pas retrouvé inopinément dans leur salon. Il est vrai qu’il n’y avait eu aucune insistance déplacée de la part du jeune homme et qu’en toute bonne justice elle ne pouvait pas lui en vouloir. Au contraire, Dougaldine avait observé que, lui aussi, avait été tout surpris de reconnaître, dans la sœur de son futur élève, la patricienne orgueilleuse qui avait refusé si dédaigneusement de danser avec lui.

En outre, depuis quinze jours, et elle devait l’avouer, il n’avait fait aucune démarche, aucune tentative pour se rapprocher d’elle. Si sa pensée — elle le disait — s’occupait souvent, trop souvent même, du jeune docteur, c’est que son frère ne cessait plus d’en parler. Et chose vraiment curieuse, mais néanmoins très naturelle : lorsque Amédée, à table, répétait les belles phrases et les idées originales de son maître, Dougaldine croyait entendre,