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LA PATRICIENNE

Mais Jean ne s’avouait pas si facilement vaincu.

— Le français est donc à Berne le langage des filles de chambre des grandes maisons ? fit-il, d’un air naïvement interrogateur.

La jeune patricienne le regarda d’un œil dur, en disant :

— Vous faites erreur, monsieur…

— On m’appelle le docteur Almeneur, interrompit Jean, voyant qu’elle avait oublié son nom. J’ai eu l’honneur, dernièrement, de me présenter moi-même à vous.

— Eh bien, monsieur le docteur, permettez-moi de vous dire que le français est notre langue usuelle et que nos domestiques doivent par conséquent s’en servir également.

— Je trouve cela très naturel.

— Pourquoi donc, s’il vous plaît ? demanda-t-elle, Piquée au jeu.

— Ah ! parce que chez nous, en ville et à la campagne, on parle un dialecte détestable et que fort peu de monde connaît l’allemand que l’on écrit. Il est donc très compréhensible que le français vous soit plus doux et plus agréable, sans cependant garantir qu’un Parisien se déclare satisfait de celui dont on fait usage ici.

Si hautaine que nous ayons vu Mlle Fininger le soir du bal, il ne faudrait pas trop s’étonner de sa condescendance pour le docteur Almeneur. Elle ne se laissait pas aller à cet entretien pour l’unique plaisir de discuter sur les qualités ou les défauts des langues française et allemande ; elle cherchait simplement à effacer ce que son refus avait eu de trop blessant pour l’amour-propre du jeune homme. Elle