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LA PATRICIENNE

et à gauche, semés un peu partout en un désordre qui ne manquait pas d’un certain goût artistique, divers objets de luxe, statuettes, bibelots et autres menues choses, s’harmoniaient merveilleusement avec les gros meubles du salon : ici un fauteuil sculpté, très ancien, comme on n’en fait plus de nos jours ; là un divan fort bas, que l’Orient n’eût pas désavoué ; plus loin une chaise pliante, genre américain. Enfin, une table et des chaises pour le jeu du whist et, près de la paroi, vers la fenêtre, un piano de première marque, qui était ouvert.

L’impression qu’en reçut le docteur, son examen terminé, fut très profonde. Il ne se rappelait pas d’avoir jamais rien vu de semblable. On sentait que dans cette maison il n’y avait pas que la seule ambition de briller par la richesse. Derrière ces tentures, cet arrangement, ou devinait une existence sérieuse, opulente, suivant toujours la même ligne, sans arrêt aucun. L’argent du parvenu ne criait pas à chaque visiteur : Voyez donc comme je suis riche et pliez le genou devant moi. Une nature fine et délicate avait mis la main à cet ameublement ; on y reconnaissait aussi la volonté, le désir de se faire un chez soi, un home pratique et beau. Les heureux mortels qui vivaient dans ce milieu devaient y vivre tranquilles, tout à la joie d’être ensemble. Dehors, on est exposé à tous les caprices du hasard et des rencontres désagréables. Tandis que là, dans ce salon, on aurait pu se croire dans un château perdu, loin des grandes routes, et involontairement le docteur Almeneur murmura : My house is my castel.

Toutefois, ce qui lui parut répondre le mieux à ses plus intimes sentiments, ce furent ces jacinthes,