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LA PATRICIENNE

position vous commande d’achever vos études le plus tôt possible, vous préférez les continuer, avide que vous êtes d’acquérir des connaissances scientifiques et solides dans tous les domaines. Et en cela je vous approuve pleinement. Vous pouvez, sans rougir, vous appliquer le mot du poète : Nil humani… Rien d’humain ne vous est étranger ! Et, par là, vous entendez ce qu’il y a de plus beau, de plus grand dans l’humanité, l’éducation parfaite de l’homme.

Et le célèbre professeur, entraîné par un ordre d’idées qui lui était familier, continua sur ce ton, sans avoir l’intention de froisser la modestie de celui qu’il louait ainsi.

— Je vois avec le plus profond regret que nos étudiants poursuivent bientôt tous le même but : gagner sa vie le plus tôt et le plus rapidement possible. L’ambition — et par ce mot je désigne celle de ce siècle — est une manifestation déplorable de l’activité humaine quand elle ne recherche que jouissances et sensations ; elle devient un malheur public et un danger pour l’avenir, si elle s’empare de la jeunesse. Quel sera donc le sort des vieux, si les jeunes n’ont déjà plus la notion de l’idéal ? Dans un petit pays comme le nôtre, entourés de puissantes nations comme nous le sommes, nous n’aurons plus de raison d’exister si nous n’avons pas toujours devant nous un but supérieur à atteindre. La paix dont nous jouissons, depuis si longtemps, nous a rendus égoïstes. Sous plusieurs rapports, la guerre serait pour nous… Qu’allais-je dire ? Vous tout le premier avez le moins besoin de suivre mes cours. J’agis un peu à votre égard comme un pasteur de ma connaissance, lequel adressait aux braves gens