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LA PATRICIENNE

le professeur, en invitant du geste son hôte à prendre place sur un divan.

J’ai, continua-t-il, une commission assez singulière, qui pourrait peut-être vous concerner. Un riche banquier de Berne cherche un précepteur pour son fils, âgé de treize ans. Que le nom ne vous effraie point ! Car il ne s’agit pas, pour vous, d’un rôle subalterne à remplir dans la maison. On veut un homme sérieux, très capable et formé par l’Université ; spécialement doué de connaissances scientifiques, qui aurait deux ou trois heures à consacrer à cet enfant et lui donnerait des leçons dans les branches principales de l’instruction moderne. Comme je vous l’ai dit, c’est une des plus riches familles de la ville. Vos appointements seront naturellement très élevés. Aussi j’ai pensé à vous, monsieur Almeneur. Eh bien, à votre tour, qu’en dites-vous ? Vous ne serez pas forcé de rompre le cours de vos études, de telle sorte que les avantages qu’offre cette place…

— Je vous remercie, interrompit Jean, voyant que le professeur hésitait à achever sa phrase. Vous avez en premier lieu pensé à ma misère.

— Pardon, répliqua M. Grégor, entendons-nous bien. J’ai surtout songé à vos hautes capacités que je connais par votre œuvre qui a été couronnée l’année dernière et vous a valu un si brillant et si légitime succès.

Le jeune homme s’inclina sans rien dire.

Le professeur reprit :

— Vous êtes un de ceux — un tout petit nombre — qui, en ces temps de matérialisme, n’ont pas renié tout idéal. Vous comprenez encore ce que signifient les mots : instruction et éducation. Quoique votre