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la patricienne

sur sa bouche pour étouffer les cris qu’elle avait peine à retenir.

Elle était encore dans cette position lorsque Bruno, le chien fidèle, accourut sur le rivage. Elle se redressa soudain, car elle avait entendu le pas de son frère qui descendait au lac pour s’y baigner, à la fraîcheur du soir. De loin, Ainédée il avait aperçu sa chère sœur couchée sur l’herbe. Dès qu’il fut près d’elle, il lui dit :

— Comment ? Tu dormais ici, Dougaldine ?

— Oui, répondit-elle, très pâle, j’ai dormi et j’ai rêvé !…

En effet, c’était bien un rêve, mais le triste rêve de sa vie qu’elle venait de faire, tandis que la barque s’évanouissait à l’horizon…

. . . . . . . . . . . . . . .

Une semaine après, le steamer le Neptune, en partance pour Buenos-Ayres, voguait à toute vapeur le long des côtes de France. Parmi les passagers qui encombraient le pont, un jeune homme à la mâle figure frappait tout d’abord les regards. Le jour tombait. Un crépuscule gris enveloppait de ses brumes légères le cap Finistère, ce lambeau de la vieille Europe, que salua d’un dernier cri de joie le monde du vaisseau. Le docteur Almeneur, d’une voix mélancolique, murmura pour lui seul :

Finis terrae ! Oui, c’est bien cela. C’est la fin de ma jeunesse, de mon amour et de mes divins espoirs.