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la patricienne

mour… un murmure d’aveux doux et caressants

À ce moment, que nous pouvons qualifier de psychologique, on entendit la voix d’Amédée sur la route. Il revenait de sa course au sommet du Niesen. Dougaldine se dégagea rapidement. Elle était de nouveau libre et maîtresse d’elle-même. Jean, d’ailleurs, avait retiré sa main dès qu’il avait remarqué que son aide n’était plus nécessaire. Puis, sans rien dire, il entra dans la barque et la détacha du poteau où elle était amarrée.

— Que faites-vous ? Où voulez-vous aller ? interrogea la patricienne, la voix tremblante, épeurée.

— Je pars, répondit le docteur. Je vous renverrai l’embarcation par un homme de confiance et j’écrirai à M. votre père pour lui annoncer ma résolution. Embrassez votre frère et saluez-le pour moi. S’il vous demande la raison de mon départ précipité, dites-lui ce qu’il vous plaira…

— Que signifient vos paroles ? Vous partez ? balbutia-t-elle. Un violent tremblement la secouait, un frisson d’angoisse et d’épouvante. Ses yeux, ses beaux yeux d’un bleu de turquoise, s’emplirent de larmes. Ah ! si cet homme au cœur impitoyable l’avait seulement regardée ! avait vu ce qui se passait en elle, non, jamais, il n’eût accompli son fatal projet ! Mais, il eut la sauvage énergie de ne pas se laisser attendrir. Aussi répliqua-t-il, cette fois d’une voix dure, au son de laquelle on percevait nettement la lutte terrible qui se livrait en lui et contre lui. Plus la bataille est vive, plus grand est le roulement du canon.

— Mademoiselle, mes paroles signifient que je m’en vais pour toujours. Je ne puis rester plus long-