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la patricienne

tions. Trop longtemps vous parlez en énigmes : la vérité ! la vérité !

Jean réfléchit quelques secondes :

— Eh bien ! soit ! la vérité, et rien que la vérité ! Puisque vous l’exigez, je dois vous satisfaire.

L’homme que vous me désignez comme votre fiancé est un misérable que la justice va rechercher, aujourd’hui encore. Je ne crois pas qu’il ait sur la conscience ce que l’on est convenu d’appeler crime : mais ses papiers ne sont pas en ordre, et on est dans le doute quant au nom et au titre qu’il porte.

Ce n’est pas tout, malheureusement. À mes yeux, Max de Rosenwelt n’est digne que de mépris. Votre beau fiancé, mademoiselle, a séduit une pauvre jeune fille, la gouvernante d’une famille livonienne. Je ne prends pas la défense de cette dernière, qui me semble avoir agi bien à la légère. Mais, enfin, les aveux sont complets : c’est avec elle qu’il s’est enfui. Elle l’a suivi, sous des vêtements d’homme, et ne l’a plus quitté depuis plusieurs mois qu’ils sont en Suisse. Quand nous avons fait, Amédée et moi, notre excursion dans l’Oberland, nous les avons rencontrés dans un hôtel où ils avaient passé la nuit. Il nous présenta le soi-disant jeune homme comme un ami d’étude, un compagnon d’enfance.

Cette femme est à Thoune, et il va la rejoindre. N’ayez aucun souci : il ne l’aime plus, il ne l’a probablement jamais aimée, comme il n’aimera toujours que lui. C’est elle qui, hier, est venue seule ici, tourmentée, poussée par la jalousie, ou l’impérieux désir de savoir à quoi s’en tenir. On lui avait dit que son amant, de Rosenwelt, faisait à Beau-Port une cour assidue à une belle et riche patricienne. Elle voulait