Page:Widmann - La Patricienne, trad P César, 1889.djvu/204

Cette page a été validée par deux contributeurs.
202
la patricienne

t-elle, hors d’elle-même, et regrettant déjà ses paroles.

— Ce que je fais ! dit-il, d’une voix sourde.

S’il avait eu plus d’expérience, surtout s’il avait mieux connu le cœur de la femme, loin de se fâcher de l’accusation qu’on lui lançait à la face, il aurait dû, au contraire, extrêmement s’en réjouir. La réponse de Dougaldine, les soupçons qu’elle exprimait étaient bien la meilleure raison de ses brusques fiançailles. Elle avait cru et croyait encore que le précepteur de son frère avait une liaison douteuse avec une autre femme. Et c’est pour lui faire voir et sentir qu’il n’avait aucune empire sur elle, que le projet de s’unir avec Max de Rosenwelt avait germé et mûri en une nuit et un jour dans sa capricieuse tête de patricienne. Quand on peut se venger de cette façon, on aime follement, passionnément. Mais, Jean, à ce moment suprême, ne songeait qu’à l’injustice qu’on lui faisait. — Aussi avait-il répondu :

— Ce que je fais ? Si, pendant les dernières vingt-quatre heures qui viennent de s’écouler, quelque chose de mauvais, de lâche a été accompli, ce n’est pas à moi qu’il faut en adresser le reproche.

Elle éclata :

— C’est alors à moi, peut-être ?

— En tous cas, vous êtes la victime de manœuvres indignes. Et, — pourquoi suis-je forcé de le dire ? — vous n’en êtes pas l’innocente victime.

À ces mots, Dougaldine bondit comme une lionne blessée. Elle se rapprocha tout à fait de lui et, la voix sèche, elle reprit :

— Monsieur, vous êtes allé trop loin pour reculer. Je veux, je désire, au besoin j’exige des explica-