Page:Widmann - La Patricienne, trad P César, 1889.djvu/199

Cette page a été validée par deux contributeurs.
197
la patricienne

toute la journée il avait été inquiet, qu’il avait fait toutes ces démarches ? Son orgueil ne tomberait-il point lorsqu’il lui dirait, entre deux regards, ses peines, ses angoisses et son fol espoir ?

Mais voilà le toit en ardoise de la villa, qui s’enlève en noir brillant sur le vert des platanes et des marronniers d’Inde. Il va enfin la revoir, elle, et il lira peut-être dans ses yeux, dans l’expression de son pur visage, l’amour infini d’un cœur qui se donne pour toujours.

Le fiacre s’était arrêté. Le docteur sauta lestement à terre. Il paya le prix convenu, avec un pourboire. Et, la voiture étant repartie, Jean, agité par divers sentiments, rentra par la large porte en fer forgé dans l’allée du jardin qui s’ouvrait de la route sur le perron de la maison de campagne.

Au pied de l’escalier, Juliette, la fille de chambre, causait avec Jacques, le cocher. La friponne avait bien l’air de se moquer du précepteur, dont les habits, légèrement couverts de poussière, n’étaient probablement pas de son goût. Déjà le docteur avait l’intention de lui demander où était sa maîtresse ; mais, apercevant à temps le sourire railleur de la soubrette, il y renonça et dit simplement :

— Est-ce qu’Amédée est de retour ?

— Non, monsieur, répliqua-t-elle.

Et Jean monta rapidement dans sa chambre. Aussitôt qu’il y fut, il courut à la fenêtre, d’où l’on pouvait, d’un regard demi-circulaire, dominer tout l’espace compris entre la villa et le lac. Il ne cherchait que Doudalgine, ne pensait qu’à elle. Et quelle hâte fiévreuse il avait de la revoir ! Elle était là-bas, près du rivage, et elle était seule. Sa blanche sil-