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la patricienne

impossible de rentrer à Beau-Port avant le dernier train du soir. Mais, d’un autre côté, la situation serait à coup sûr éclaircie. Comme le secrétaire venait de le lui dire, l’ambassadeur seul pouvait ordonner les mesures promptes et nécessaires.

— Soit ! Je reviendrai, à l’heure indiquée.

Et il sortit, reconduit jusqu’à la porte du corridor par le jeune diplomate.

À l’hôtel, son ami l’attendait déjà. Jean éprouvait bien un grand désir de parler de toutes ces choses qui l’intéressaient ; mais, il se contenta d’écouter ce que l’on disait autour de lui. On s’entretenait des élections du jour, dont le résultat n’était plus douteux. Un gros monsieur, qui paraissait diriger la conversation, s’exprima ainsi :

— La défaite de nos patriciens a beaucoup de ressemblance avec celle des peuplades sauvages de l’Amérique du Nord. Les Indiens prétendaient aussi que leur droit de possession du sol était légitime. C’étaient eux qui, les premiers, l’avaient occupé. Les blancs d’Europe, les émigrants, n’étaient arrivés que plus tard. De même, à Berne, les derniers venus ont insensiblement repoussé les anciennes familles dans la seule forteresse qui leur restât, laquelle, aujourd’hui, vient encore de tomber entre nos mains. Et pourquoi les Indiens ont-ils été défaits ? Parce qu’ils croyaient que, sans la chasse au buffle, il n’y avait pas d’existence possible. Et, pourtant, il y a autre chose dans la vie : nous avons l’agriculture, l’industrie et le commerce. Chaque époque a ses besoins : dès que l’on remarque un changement, il faut savoir déposer le costume vieilli de l’époque précédente. La vapeur est une arme bien autrement