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la patricienne

chevalier d’industrie, a réussi, je ne sais trop comment, à capter la confiance de quelques jeunes gens de notre meilleur monde. Il vit avec eux, il vivait avec moi, sur le pied de l’intimité, de la camaraderie. Je commence, toutefois, à comprendre par quelle simple ruse il est parvenu à son but. Les relations qu’il nouait avec l’un de nous, il les exploitait auprès des autres. Nous savions, par exemple, mes amis et moi, qu’il avait été reçu chez le banquier Fininger ; cette seule circonstance lui avait valu un immense crédit. De même, chez M. Fininger, il se sera naturellement vanté d’avoir d’excellents rapports avec des ambassades ou des légations étrangères. Voilà de quelle manière, en agrandissant peu à peu le cercle de ses connaissances, il a pu obtenir son entrée chez les personnages les plus marquants de la ville. Habilement il a su utiliser toutes les occasions, particulièrement les gens influents.

Et, cependant, il ne possède aucun papier de légitimation. Aussi, peu après son arrivée à Berne, au mois de mars, la police lui faisait déjà des difficultés. Je le connaissais depuis quelques jours. Nous nous rencontrions au manège et j’admirais sa souplesse et sa témérité quand il montait un cheval fougueux. Il vint donc ici, à notre bureau, et me pria personnellement de bien vouloir lui délivrer une sorte de passeport temporaire, en m’assurant que ses papiers étaient restés en Livonie. Un ami qu’il avait dans ce pays, mais pour le moment malade, devait les lui envoyer dès qu’il serait rétabli. Et tandis que ce monsieur parlait, il laissa glisser comme par mégarde une carte sur le parquet. Je la ramassai et la lui remis. Il dit alors, très négligemment :