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damner. N’étaient-ce pas eux qui, suivant l’opinion publique, entretenaient financièrement une toute petite feuille méchante, à la voix de roquet, laquelle feuille avait une analogie frappante avec un paysan qui vit isolé, au coin d’un bois, par exemple, et qui lâche son gros chien sur tous les passants ? À ces réminiscences de luttes politiques, la mauvaise impression qu’avait produite l’appel des libéraux s’effaça dans son esprit. Cet écrit avait été coulé dans un seul et même moule. On s’affichait tel que l’on était. Mais, chez les adversaires, sous les plus belles apparences de loyauté, se cachaient la bassesse et l’hypocrisie.

C’est la tête remplie de toutes ces pensées qu’il entra dans la cathédrale, où avait lieu la votation. D’une main ferme, il traça les noms qui figuraient sur la liste du parti libéral. Il aperçut M. Fininger, causant avec d’autres citoyens à la table autour de laquelle siégeait le bureau électoral. Jean ne put pénétrer jusqu’à lui et il renonça à l’idée de le faire appeler. D’ailleurs, il n’osa pas. Il sortit donc de l’église pour se hâter dans la direction de l’ambassade.

Cette fois, le docteur fut plus heureux. C’était ouvert. Un jeune homme, au visage très fin, le reçut avec une froide politesse.

— À qui ai-je l’honneur de parler ? dit-il.

— Je suis le docteur Almeneur. Voici ma carte.

Et il tendit un carré de bristol au secrétaire, que celui-ci daigna regarder.

— Et qu’y a-t-il pour votre service ? demanda-t-il ensuite.

— C’est une circonstance exceptionnelle qui m’a-