Page:Widmann - La Patricienne, trad P César, 1889.djvu/178

Cette page a été validée par deux contributeurs.
176
la patricienne

raisons de tomber. D’abord, il m’apparut comme l’idéal du gentilhomme. Son air militaire, sa haute taille, la grandeur nonchalante de ses manières, ses regards surtout affolèrent mon pauvre cœur, et j’allai à lui, comme le papillon vole vers la flamme qui doit lui donner la mort. Ensuite, dès qu’il s’aperçut de ma passion, il fit semblant d’y répondre : bientôt sa victoire fut complète. Enfin, je le croyais très riche et, en mon aveugle folie, j’espérais qu’une fois son épouse légitime, j’échapperais à la misère de mon humble destinée et ne quitterais plus ce monde de richesses, de plaisirs et d’insouciance qu’on venait d’ouvrir si inopinément, si largement devant mes yeux émerveillés. J’éprouvais, dans ma jeune âme, un insatiable besoin de bonheur, que ne ressentent ni ne comprennent ceux qui ne sont jamais sortis de la modeste position où le sort les a placés. C’est justement ce qui causa mon infortune.

Je voyais Max tous les soirs, seule à seul. Nos relations, jusque-là, avaient été très honnêtes. Des paroles d’amour, des serments échangés, quelques pressions de mains, des regards. Et c’était tout. Ah ! que ne suis-je morte alors, emportant dans la tombe le secret de mes espoirs suprêmes ! Mais, il devait en être autrement.

Il m’annonça un jour qu’il était obligé de partir pendant la nuit, afin d’éviter un duel avec un des proches parents de la famille où il avait été reçu comme hôte et à laquelle, m’âffirma-t-il, en guise de prétexte, il ne voulait pas occasionner le désagréable ennui d’un tel événement. Je dis que ce fut le prétexte, car, d’une seule haleine, il me conjura de fuir avec lui et de devenir sienne pour la vie. J’étais