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LA PATRICIENNE

Et le mouvement de sa jolie tête, avec lequel elle souligna ces mots, disait si bien qu’elle n’accueillerait pas mieux une nouvelle tentative, que Jean Almeneur, après s’être incliné rapidement, se retira, le sang bouillonnant dans les veines. L’affront l’avait touché au cœur.

Néanmoins, il ne la perdit pas de vue. On eût dit que son destin était de tourner sans cesse autour d’elle. Il savait toujours dans quel coin de la salle elle se trouvait ; s’il ne l’apercevait plus, une sorte de charme magnétique lui révélait la place qu’elle occupait. Dans cette perpétuelle agitation du bal, il arriva même deux ou trois fois que leurs regards se croisèrent furtivement lorsqu’elle passait près de lui, emportée par le tournoiement rapide de la valse. Et Jean Almeneur s’était imaginé qu’elle l’avait regardé déjà plus longtemps, bien qu’elle se fût cependant hâté de baisser ses longs cils bruns. Cette découverte ne fit qu’augmenter encore l’étrange attrait que la jeune fille avait exercé sur lui, dès leur première rencontre.

La fière patricienne, de même que le docteur, resta presque jusqu’à la fin du bal, qu’elle quitta au bras d’un homme de haute taille, frisant la cinquantaine. L’instant d’après, Jean s’éloignait à son tour et, malgré l’heure matinale et le froid de la saison, il était sorti de la ville et avait gagné le bord de l’Aar où nous l’avons vu se promener, tout en cherchant à se rendre compte de ses nouvelles impressions.

— Pourquoi celle-ci plutôt qu’une autre ? se demandait-il continuellement, en essayant de dégager sa volonté des pensées qui l’assiégeaient.

Il y avait à ce bal de plus belles jeunes filles : ainsi