Page:Widmann - La Patricienne, trad P César, 1889.djvu/164

Cette page a été validée par deux contributeurs.
162
la patricienne

demain, oh ! oui, j’aimerais mille fois mieux vous accompagner, vous et votre frère, que…

— Je ne vous crois pas, non, je ne vous crois point ! répondit-elle, le corps frissonnant, les regards perdus dans ceux de Jean. Si cela était, vous viendriez.

Et comme si elle se repentait d’en avoir trop dit, elle courut dans la maison sans s’arrêter ni se retourner. Cette dernière phrase, qu’elle avait jetée en toute hâte, était tombée dans le pauvre cœur du docteur comme un trait de Parthe volant droit à son but. Elle n’avait aucune confiance en lui.

— Insensé que je suis ! avait balbutié Jean, tout en suivant des yeux Dougaldine qui s’éloignait. Il ne tient plus qu’à moi de passer toute une journée avec la plus aimable fille que l’on puisse voir. Tout un jour, je serais à ses côtés, causant avec elle. Un monde de souvenirs agréables nous resterait et nous servirait de thèmes pour de longs entretiens familiers. Ah ! comme je l’aime ! comme je l’aime ! Et je n’ai qu’à tendre la main, et peut-être bien que cette fière patricienne la prendra, ainsi qu’on prend celle d’un homme avec lequel on désire parcourir à deux le chemin de la vie.

Maudite coïncidence ! Pourquoi fallait-il que cette votation tombât précisément sur demain ? Il est vrai, notre cause ne court aucun danger. Mes amis n’ignorent point, d’ailleurs, que je suis à la campagne. Ils ne remarqueront pas mon absence. De ce que l’on m’a envoyé ma carte d’électeur, il ne s’ensuit pas absolument que je doive me rendre à Berne. Pousserai-je la pédanterie du devoir jusqu’à ce point ? Mais, il s’agit de mon bonheur, du sort de toute une