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LA PATRICIENNE

qu’on ne va pas au bal seulement pour admirer de loin la grâce et la beauté des femmes. Il résolut donc de se présenter soi-même à elle et de l’inviter à danser.

Il hésita longtemps. La chose offrait bien quelque difficulté. Le docteur ne la connaissait que de ce soir. La jeune fille supposerait elle qu’elle n’était pas une étrangère pour lui ? Bast ! Il se nommerait et donnerait simplement sa carte.

Les dernières mesures d’une mazurka venaient de retentir dans la salle brillamment illuminée. La patricienne était retournée à sa place.

Jean prit alors son courage à deux mains, et d’une démarche très décidée, il s’avança vers elle. Son salut fut-il assez respectueux ? Nous ne savons. Ce qui est plus certain, c’est que, une fois maître de lui, il dit d’une voix légèrement tremblante :

— Permettez, mademoiselle, que je me présente moi-même. Je suis le docteur Almeneur et j’ose vous prier de m’accorder la prochaine danse, ou l’une des suivantes.

La jeune fille l’avait vu s’approcher. Durant une seconde, son visage avait trahi l’impression favorable que produisait toujours la mâle prestance de Jean. Mais, une fois devant elle, dans une posture en même temps noble et presque suppliante ; et, quand il lui eut adressé son invitation et remis sa carte, elle le regarda d’une façon quelque peu singulière et répondit d’un ton calme, en baissant les yeux, sans qu’un aimable sourire vînt adoucir ce que son refus avait de blessant :

— Je regrette, monsieur, je suis déjà engagée pour toute la soirée.