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LA PATRICIENNE

doux de ses yeux, la suave expression de son visage, le pur ovale de la figure et la belle carnation des joues s’harmoniaient admirablement avec ses blonds cheveux cendrés, bouclés sur le front et les tempes, et relevés en torsade sur une nuque d’ivoire. Et, pourtant, ce n’était pas une beauté dans toute l’acception du mot. Un peintre eût nécessairement découvert quelques défauts, l’une ou l’autre imperfection. Ses yeux, par exemple, étaient trop petits et trop cachés sous le front proéminent. On pouvait encore lui reprocher la mauvaise habitude qu’elle avait prise de fermer à demi et trop souvent les paupières, mouvement qui rapetissait visiblement la pupille. Néanmoins, l’homme qu’atteignait le regard de ces yeux ne trouvait plus rien à blâmer.

En outre, son teint n’était peut-être pas assez brillant, manquait parfois d’éclat. À vrai dire, aussitôt qu’elle s’animait, des couleurs plus vives reparaissaient sur ses joues ; mais, dès qu’elle suivait, en elle-même, le vol de sa pensée, ce qui lui arriva plusieurs fois durant cette nuit de bal, sa peau reprenait sa matité : comme un gris de perle lui recouvrait le cou, les épaules et les bras.

Malgré ces critiques de détails, ce même peintre n’aurait cependant pas souhaité un autre modèle pour représenter Ève s’éveillant au milieu de la jeune création, Ève la blonde, car dans ce corps d’une souplesse caressante, on devinait tout ce qui fait la femme, ses vertus et ses faiblesses, lesquelles ont toujours été, depuis la naissance de l’humanité, et seront sans doute toujours autant d’énigmes difficiles, sinon impossibles à analyser.

Jean Almeneur pensait avec beaucoup de raison