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la patricienne

main que le docteur lui offrait. D’un mouvement sûr, elle sauta dans l’embarcation, qui fut légèrement secouée, l’avant ne reposant point sur le fond de sable. Alors, s’emparant des rames, elle s’éloigna un peu, afin de manœuvrer plus à l’aise dès qu’il s’agirait de partir.

Cependant, Max de Rosenwelt avait mis la sienne à flot. Amédée était près de lui. Un moment après, les deux barques, l’une à côté de l’autre, autant que le jeu des rames le permettait, traçaient dans l’onde deux légers sillons qu’on ne distinguait plus qu’imparfaitement au milieu de l’obscurité qui grandissait. Et, tandis que les jeunes demoiselles, voguant ainsi, échangeaient des propos joyeux avec Max de Rosenwelt, sur la berge le docteur prêtait une oreille attentive aux voix rieuses qui parvenaient jusqu’à lui. À la fin, n’y tenant plus, il quitta le bord du lac, tourmenté de l’inexprimable désir d’être aimé de cette belle enfant, dont presque toutes les paroles étaient comme autant de lames aiguës qu’elle enfonçait dans ses chairs. Ah ! comme il regrettait maintenant d’avoir accepté cette place et combien il désirait qu’un événement quelconque vint briser les mille liens qui l’enchaînaient, pour ainsi dire, au sourire enivrant de la plus fière des patriciennes !