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la patricienne

arbres feuillus, notes de gaîté humaine s’égrenant dans le silence crépusculaire.

Il souffrait horriblement. La blessure s’agrandissait. D’un mouvement résolu, il sauta dans la barque qui appartenait à la famille Fininger. En quelques vigoureux coups de rame, il eut bientôt gagné le large.

Cet effort détendit ses nerfs. Plus il dépensait de forces physiques, plus le calme revenait dans son âme. Après l’agitation fiévreuse de la première heure, la réflexion arriva et la raison reprit le dessus. Et comme l’homme, dans son rare égoïsme, veut tout expliquer à son avantage, notre philosophe se dit que Dougaldine l’avait reçu, il est vrai, très froidement et avec une intention sûrement calculée ; mais, était-ce trop présomptueux de supposer qu’elle avait voulu le punir de ce qu’il était resté dans son village plus longtemps qu’il ne l’avait d’abord annoncé ? Les femmes sont quelquefois si étranges, si fantasques ! Un rien les froisse, comme, aussi une grave impolitesse les trouve souvent indifférentes. Dans ce cas, loin de se plaindre, il devait se réjouir, puisqu’elle paraissait avoir senti si vivement son absence.

Mais… Il y avait un « mais ». C’était Max de Rosenwelt. Cependant, il lui avait semblé que l’étranger n’avait pas eu le don de plaire grandement à Dougaldine, le soir où M. Fininger avait réuni quelques personnes à souper. Et maintenant ? En les voyant jouer ensemble, échanger en riant l’une ou l’autre parole, on aurait cru qu’ils s’entendaient le mieux du monde. Ou bien Dougaldine agissait-elle sous le coup d’un autre sentiment ? Problème difficile à résoudre, surtout pour un savant tel que le