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la patricienne

À peine étaient-ils entrés dans la cour de la villa qu’un bruit de voix claires et fraîches, des voix de jeunes filles, parvint jusqu’à eux. Étonnés, ils pénétrèrent dans le jardin, en contournant la maison, et ils virent un groupe de demoiselles qui jouaient au crocket, dans un quinconce formé de tilleuls, de platanes et de châtaigniers. C’étaient elles que Jean et Amédée avaient entendues. Elles paraissaient s’amuser beaucoup, particulièrement Dougaldine. Près de celle-ci, et prenant une part très active à ce divertissement, se tenait un homme de haute taille, dont le complet en drap bleu frappa aussitôt le docteur. Le pauvre précepteur ! Quel coup profond il en reçut au cœur ! Il venait de reconnaître Max de Rosenwelt. Toujours lui ! Vraiment, ce hobereau poméranien serait donc continuellement sur son chemin ? Il le trouverait à chaque instant entre lui et Dougaldine ? Et une colère, à cette pensée, montait à son cerveau, que la passion martelait.

— Dougaldine ! Dougaldine ! Nous voilà de retour ! s’était écrié Amédée, en courant vers sa sœur qui cessa de jouer, sans pourtant se débarrasser du marteau à l’aide duquel elle chassait la balle.

— Bien ! bien ! répondit-elle, d’un ton froid, indifférent. Je le vois que tu es de retour.

Et, en même temps, elle jeta un coup d’œil dans la direction où était le docteur, qui la salua en ôtant son chapeau. Elle fit un simple signe de tête et, s’adressant ensuite à son frère, elle lui dit, mais d’une voix assez forte pour que Jean ne perdît pas un mot :

— Comme tu es arrangé ! Tout couvert de poussière ! Va près de la tente. Tu changeras d’habits et,