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la patricienne

— Voilà mon père, fit le docteur, simplement.

Le jeune garçon, une fois arrivé près de la haie du jardinet, qui était à gauche de la cabane, ouvrit tout grands ses yeux profondément surpris. Il n’en revenait pas. Cet homme, si mal vêtu, à la barbe et à la chevelure hirsutes, le père de son cher maître !

Mais déjà le vieillard avait reconnu son fils. Tout en boîtant un peu, il s’avança au-devant de lui et, tendant sa bonne grosse main calleuse, il s’écria, joyeux :

— Comment ? C’est toi, Jean, c’est bien toi !

Et, dominé, entraîné involontairement par l’allégresse du revoir, il ouvrit ses bras et pressa son beau gars sur sa poitrine. Depuis si longtemps il ne l’avait vu !

La première minute d’émotion envolée, le bonhomme reprit :

— Ah ! c’est bien ce que tu viens de faire ! Tu as voulu savoir si nous vivions encore, ici, dans nos montagnes. Ce n’est pas que l’hiver ne nous ait point malmenés. Au contraire, ç’a été dur. Et ce jeune homme, qui est-il ? Serait-ce le fils du « bourgeois » où tu es « en service » ? Je vous salue bien.

Et il offrit de même la main à Amédée.

Celui-ci, d’abord interdit, finit pourtant par mettre sa main blanche et délicate dans celle du brave montagnard. Toutefois, et sans songer à mal, son esprit primesautier établissait déjà une comparaison entre le père et le fils. Ils avaient bien la même taille, haute et souple, quelque parenté dans les traits du visage ; mais là s’arrêtait leur ressemblance qu’un peintre seul eût remarquée, ou, en tout cas, un obser-