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la patricienne

sommet d’un coteau boisé. Par les fenêtres du castel, on distinguait un pan de ciel bleu ou un coin de glacier. Tout s’accordait là pour prêter un grand charme à ce beau pays : la nature, jeune, vigoureuse et géante ; le passé, avec ses misères, ses légendes et son histoire. Un peu plus loin, Jean et Amédée traversèrent une vaste forêt, au milieu de laquelle se trouvait un lac, grand comme la main, d’une limpidité cristalline et sur les bords duquel ils s’arrêtèrent pendant quelques minutes pour se reposer et jouir en même temps de la délicieuse fraîcheur du lieu. Puis, ils se remirent en marche et, après avoir gravi les derniers lacets du chemin, ils arrivèrent au village natal du docteur, qui était comme perdu au fond d’une haute vallée.

On eût dit que le monde finissait là. Aucun sentier praticable ne paraissait plus exister dans ces parages, et, pourtant, en été, c’est assez fréquenté, surtout par les touristes qui veulent se rendre au sud de la chaîne bernoise. Les cimes les plus gigantesques de l’Oberland entourent ce vallon, et il semble que, vues de si près, elles sont infranchissables.

Ce spectacle, qu’il faut voir pour comprendre et sentir, fit une profonde impression sur l’esprit d’Amédée. C’était d’ailleurs la première fois qu’il visitait cette contrée, peuplée d’alpes grandioses, dont l’immobilité de non-vie vous plonge dans un long étonnement. Il suivait sans rien dire son précepteur qui, après avoir abandonné la route, se dirigea vers une petite cabane, de maigre apparence, égarée au pied de la montagne. Amédée aperçut devant la maisonnette un homme occupé à fendre des souches de sapins.