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la patricienne

— Mais, c’est une caverne de voleurs, cette maison ! pestait l’étranger.

— Vous êtes le premier à me dire une telle injure, riposta l’hôtelier, contenant avec peine son indignation.

Et il ajouta :

— Au surplus, quand on ne peut payer, on ne commande pas, comme vous l’avez fait, de fines truites, du thorins et du bordeaux pour son souper.

— Dispensez-moi de vos sottes observations. Je paierai, mais je me plaindrai à qui de droit.

Tenez, voilà votre argent.

Et un bruit de pièces qu’on jette sur une table arriva aux oreilles de Jean et d’Amédée devenus attentifs. Puis, un instant après, deux personnes sortaient de l’établissement, l’une de haute taille, une valise à la main, habillée avec soin ; l’autre, beaucoup plus petite, à l’air presque maladif, avec des traits de jeune fille, rappelant ce bel adolescent du Sposalizio de Raphaël, qui brise sa baguette avec une expression de tristesse élégiaque et duquel on dit qu’il serait le portrait même du divin Sanzio. Il n’avait aucun bagage. La pièce principale de son costume était un vaste châle à carreaux écossais, dont il s’enveloppait la taille. Comme coiffure, un chapeau de feutre, qui couvrait imparfaitement de folles boucles blondes.

Au premier coup d’œil, le docteur avait reconnu l’étranger. C’était Max de Rosenwelt. De même Amédée, qui l’avait vu quelquefois dans la maison de son père. Si le frère de Dougaldine n’avait pas été là, les deux jeunes gens ne se seraient probablement pas salués, car ils n’éprouvaient rien moins que de