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d’autres termes, qu’il ne la retrouverait peut-être plus telle qu’il la quittait. Quand, après le souper, il se leva de table, Mlle Fininger en lit autant, machinalement ; et, pour la première fois, sans y songer, elle lui tendit sa fine main blanche, aux longs doigts fuselés, en balbutiant :

— Je vous souhaite bon voyage et retour heureux.

Elle s’efforça de sourire, mais une émotion indicible lui serrait le cœur.

Jean avait pris sa main. Il la pressa dans la sienne, doucement, les lèvres frémissantes et un grand frisson par tout le corps. Ensuite, il sortit de la chambre, sans avoir prononcé aucune parole.

Le lendemain, de bonne heure, le docteur et Amédée étaient dans la salle à manger, où ils déjeunaient hâtivement d’une tasse de chocolat, pendant que le cocher faisait atteler. Contre toute attente, Dougaldine parut, en simple peignoir et les cheveux négligemment noués sur la nuque.

— Je voulais voir, dit-elle, si l’on vous avait préparé quelque chose.

Puis, très avenante, avec des recommandations de mère, ou d’amante, elle les accompagna jusqu’au landau, dans lequel ils montèrent aussitôt. Les chevaux partirent ; le docteur et Amédée saluèrent encore Dougaldine en agitant leurs chapeaux. Bruno gambadait autour de la voiture, manifestant sa joie par des*aboiements bruyants.

Bientôt nos voyageurs eurent perdu de vue Beau-Port et les jardins qui lui formaient comme un vaste écrin de verdure et de fleurs. La route s’élevait insensiblement sur le bord du lac, à travers des prairies et des champs cultivés.