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la patricienne

— Le temps est maintenant très favorable, répliqua le docteur. La pluie d’hier a balayé la poussière des routes. Elle aura sans doute aussi fondu la dernière neige de l’hiver, qui recouvrait encore les sommets, au-dessus de notre village. Nous visiterons quelques sites pittoresques et, entre autres lieux remarquables, une vallée étroite, mais d’une beauté grandiose, où les ruines de cabanes abandonnées indiquent que jadis elle était encore habitée. À coup sûr, les gens qui restaient là-haut en ont été chassés par les éboulements et les avalanches.

— Au moins, vous ne courez aucun danger ? dit la sœur d’Amédée, son visage étant devenu instantanément très pâle pour s’empourprer de nouveau quelques secondes après. Elle craignait d’avoir, par cette question, montré l’intérêt qu’en dépit d’elle-même elle prenait pour le docteur. Et comme les femmes, en pareille circonstance, ont toujours mille moyens de réparer leurs imprudences, elle attira son frère près d’elle, en ajoutant :

— Amédée n’est pas habitué à la montagne comme vous, M. le docteur. Vous ne le perdrez pas de vue, n’est-ce pas ? Je crois même qu’il vaudrait mieux qu’il n’allât pas avec vous, dans cette vallée abandonnée. Car si elle est véritablement ravagée par les avalanches, le péril doit être d’autant plus grand en cette saison, par la fonte des neiges.

— Soyez sans inquiétude, fit Jean. Je vous en réponds sur ma vie. Et pour ce qui est de ce vallon, dont je viens de parler, nous nous bornerons à le voir de loin, c’est-à-dire du passage qui traverse la montagne, à droite de la gorge. Je suis à la maison, dans ces parages ; plus jeune qu’Amédée, j’y con-