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la haute intelligence, entrait ainsi en rapport avec un monde nouveau pour elle ; son être moral subissait une influence élevée, qui devait insensiblement transformer, du moins il l’espérait, son caractère et son jugement. Et sans doute elle-même, se rendant enfin compte de la révolution qui s’opérait dans son esprit bien équilibré, finirait naturellement par donner son cœur — et sa main — à l’homme qui venait de lui ouvrir des horizons jusque-là inexplorés.

C’est ainsi que plusieurs semaines s’étaient écoulées. Rarement le calme de leur existence avait été rompu. De temps en temps, M. Fininger annonçait son arrivée par un des trains de l’après-midi, en gare de Thoune. Le landau le ramenait ensuite à Beau-Port, où il ne passait que la nuit, pour repartir le lendemain, à moins que sa visite ne tombât sur le samedi. Alors, il restait le dimanche, jour qu’il consacrait d’ordinaire à ses enfants.

Tous l’accueillaient, cela va sans dire, avec la plus sincère affection, même le docteur qui s’habituait facilement à cette nature loyale, dont l’unique désir, paraissait-il, était de voir le monde heureux autour de lui. En son absence, la vie était bien un peu monotone ; mais, dès qu’il se trouvait là, une plus grande intimité régnait entre tous les habitants de la villa.

Ce fut après l’une de ces visites du banquier, quand Juliette eut desservi la table, que Jean Almeneur, sans autre préambule, dit à Dougaldine :

— Je m’étais bien promis d’adresser une demande à M. votre père ; mais, j’ai tout à fait oublié. C’est pourquoi je me vois forcé de l’adresser à vous-même.